mercredi 18 juillet 2012

La nostalgie du feu - 1980 - In Concerto pour un visage

Une langueur moribonde,
Une rencontre en petites touches
D'une paresse de malentendus.
Des quiproquos alanguis par la distance.
Un manque à être et à se reconnaître.
Des failles idoines; La voix ne porte pas.
La voie ne porte pas tes pas.
De mille détours de l'essentiel au rythme ailé
La tache exsangue d'accrocs se pare.

Des fossiles de larmes
Vus à travers un papier glacé, froissé.
Hors d'atteinte. Argent massif.

Trône le sphinx encore - 1985 - In Concerto pour un visage

Il est des communions où sourdent les orages,
D'étranges paradoxes où fleurissent les mots.

Sur les franges du temps, en de trop âpres soupirs,
Les larmes ont débordé de leur vase d'argile
Et  le Nil a laissé sur les ailes du désir,
S'évaporer le bleu, l'obsidienne vers l'exil.

Caïmans à la dérive sur les larges bords du fleuve,
Lourds d'éternité
- rauque, convulsée -
Les larmes ont apprêté le linceul du bédouin.
Trône le sphinx encore sur les cierges allumés.

lundi 16 juillet 2012

Extrait de Conjonctions et disjonctions de Octavio Paz - parution en espagnol 1969, en français 1971 -

"Le temps moderne, le temps linéaire, homologue des idées de progrès et d'histoire, toujours projeté vers le futur ; le temps du signe non corps, acharné à dominer la nature et à maîtriser les instincts ; le temps de la sublimation, de l'agression et de l'automutilation : notre temps - s'achève. Je crois que nous entrons dans un autre temps, un temps qui ne laisse pas encore voir sa forme et dont nous ne pouvons rien dire, si ce n'est qu'il ne sera ni le temps linéaire ni le temps cyclique. Ni histoire ni mythe. Le temps qui revient, s'il est vrai que nous vivons effectivement un retour des temps, une révolte générale, ne sera ni un futur ni un passé, mais un présent. Du moins, est-ce là ce que, obscurément, réclament les rébellions contemporaines. L'art et la poésie non plus ne demandent rien d'autre, même si parfois les artistes et les poètes l'ignorent. Le retour du présent : le temps qui vient se définit par unmaintenant et un ici. (...) Si la rébellion contemporaine (et je ne pense pas seulement à celle de la jeunesse) ne s'éparpille pas en une succession de clameurs isolées ou ne dégénère pas en systèmes autoritaires et fermés, si elle articule sa passion dans l'imagination poétique, au sens le plus libre et le plus large du mot poésie, nos yeux incrédules seront les témoins du réveil et du retour à notre monde abject de cette réalité corporelle et spirituelle, que nous appelons présence aimée. Alors l'amour cessera d'être l'expérience isolée d'un individu ou d'un couple, une exception ou un scandale... Pour la première et la dernière fois apparaissent au fil de ces réflexions le mot présence et le mot amour. Ils ont été la semence de l'Occident, l'origine de notre art et de notre poésie. En eux se trouve le secret de notre résurrection." Octavio Paz